Réindustrialisation et redressement productif : deux mots magiques déclamés par le nouveau gouvernement à cor et à cri face à une situation économique française sinistrée et une industrie exsangue, dans des domaines aussi stratégiques que sont la sidérurgie, la chimie, la pétrochimie, le bois, le cuir… Pire encore, des fleurons de l’industrie française comme les chantiers navals, l’automobile et les forages pétroliers se retrouvent fragilisés par la crise et certains choix stratégiques hasardeux.
Le débat – ou plutôt le non débat – autour des gaz de schiste est selon nous symptomatique de cette situation.
En effet, comment comprendre l’inflexibilité du gouvernement sur la question des gaz de schiste alors que le déficit commercial atteint près de 70 milliards d’euros sur les 12 derniers mois (dont 90 % liés à l’importation d’hydrocarbures), que le prix du gaz et le prix à la pompe ne cessent d’augmenter et que le chômage concerne désormais plus de 3 millions de personnes ?
On ne présente plus l’exemple américain, où la production des hydrocarbures de schiste a permis la création de centaines de milliers d’emplois, a divisé le prix du gaz par deux et a redynamisé toute une industrie moteur de croissance. En pleine campagne électorale, Barack Obama ne se prive d’ailleurs pas de rappeler cette « success story » industrielle lors de ses meetings… A une échelle certes différente, peut-on réellement se permettre de fermer les yeux sur un tel potentiel ? Comme le disait récemment Claude Allègre, c’est comme si on avait un trésor dans son jardin et qu’on refusait de le déterrer.
Nous avions l’année dernière regretté le vote d’une loi par l’ancienne majorité qui interdisait la technique de fracturation hydraulique pour les forages pétroliers, tout en l’autorisant pour la géothermie. Cette curiosité législative, constitutionnellement douteuse, avait conduit à l’annulation de trois permis d’exploration dans le sud (au mépris même du principe de sécurité juridique indispensable à l’attractivité d’un pays vis-à-vis des investisseurs) et avait surtout fermé la porte à toute réflexion sur l’opportunité qu’il y aurait à produire, proprement, les hydrocarbures de schiste.
Les réserves en gaz et en pétrole sont pourtant potentiellement élevées : l’Agence Internationale de l’Energie estime à cinq mille milliards de m3 les réserves en gaz de schiste, soit 90 ans de notre consommation annuelle, tandis que l’Institut Français du Pétrole estime à environ sept milliards de m3 les ressources en pétrole de roche-mère du Bassin Parisien.
Certes, et tous les foreurs le savent bien, des réserves potentielles ne sont pas forcément des réserves avérées : la recherche et l’exploration aboutissent parfois à des mauvaises surprises, comme elles peuvent également déboucher sur de bonnes. Quel risque prendrait-on à autoriser la recherche et l’évaluation des réserves disponibles, notamment dans le bassin parisien où la géologie est déjà connue en raison d’une histoire pétrolière de plus de 50 ans ? S’il s’avérait que les ressources effectivement présentes dans notre sous-sol n’étaient pas aussi importantes que prévues, au moins serions-nous fixés !
La question de l’exploitation se pose différemment. Elle exige en effet un débat et une analyse scientifique des techniques disponibles, au premier rang desquels la désormais interdite fracturation hydraulique, utilisée dans l’industrie pétrolière depuis plus de 30 ans ! Ne fermons pas la porte à cette technique sous la pression de certains lobbies alors même qu’il a été démontré que les accidents industriels liés à l’exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis n’étaient pas dus à l’utilisation de cette technique, mais bien à une mauvaise cimentation des puits et à des fuites de conteneurs en surface.
Symptomatique de notre situation économique et industrielle, cette interdiction témoigne aussi du nouveau rapport au risque que nous entretenons. On entend encore la ministre de l’écologie affirmer son opposition à la fracturation hydraulique au motif que « nulle part au monde il n’a été prouvé qu’elle était sans risque pour l’environnement ». Mais quelle activité industrielle – et même humaine, tout simplement – peut se targuer d’être absolument inoffensive ? Doit-on par exemple interdire la finance parce que certaines pratiques entraînent des risques pour l’économie réelle, comme l’a prouvée la crise des subprimes de 2008 ? Évidemment non, car tout est question de contrôle et de régulation. C’est le chemin choisi par l’Afrique du Sud qui vient récemment de remettre en cause l’interdiction de la fracturation hydraulique et de créer un « comité de contrôle » qui sera chargé de superviser les opérations de forage.
Il ne s’agit pas de sacrifier l’environnement sur l’autel de l’économie et de la croissance, mais bien de concilier les deux exigences.
« Choisissons la voie de la régulation », écrivions-nous l’année dernière dans une tribune du journal « Le Monde ». Peut-être avions-nous été trop ambitieux et pas assez pragmatiques. Si le gouvernement (et toutes les parties prenantes de ce dossier) acceptait d’autoriser la recherche et l’évaluation des réserves, ce serait déjà un formidable pas en avant – il sera possible ensuite d’en tirer les conséquences et de décider de l’autorisation ou non de la production des hydrocarbures de schiste.
On espère que la conférence environnementale qui aura lieu les 14 et 15 septembre prochains permettra de faire émerger ce débat important pour l’avenir de notre industrie.
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