Les crises en Tunisie et en Égypte pèsent sur le prix du pétrole qui a passé la barre des 100 $/b fin janvier. En quoi le marché du pétrole est-il affecté ? Quelles évolutions à attendre à terme ? Quels impacts sur l'économie ? Les réponses d'IFP Energies nouvelles.
La hausse récente du prix du pétrole est-elle uniquement liée aux évènements du Maghreb ?
Les mouvements récents qui ont porté le Brent à 100 $/b sont directement le résultat des évènements en Égypte qui ont débuté le 25 janvier. La progression a néanmoins commencé plus tôt, dès la mi-décembre, avec le dépassement du seuil des 90 $/b, dans un mouvement tendanciellement haussier depuis novembre. Les raisons sont diverses, liées au plan de soutien de la FED américaine, à une vision économique au niveau mondial relativement optimiste, à la rigueur de l'hiver qui a pour effet de peser sur la demande mais aussi aux mouvements ayant eu lieu en Tunisie à partir du 17 décembre. L'idée d'une contagion des mouvements de protestation a ainsi été progressivement intégrée par les marchés, ce qui a poussé le Brent vers les 98 $/b dès le 14 janvier. Les premières manifestations du 25 janvier en Égypte n'ont fait que renforcer cette crainte. Pour IFP Energies nouvelles, c'est bien ce risque de contagion qui est intégré dans les cotations actuelles.
Quel est le rôle des pays du Maghreb dans l'équilibre pétrolier ?
La production de ces pays est relativement importante puisqu'elle se situe à plus de 4 Mb/j, soit 5 % environ de la production mondiale. Elle n'est néanmoins pas menacée pour le moment. L'autre enjeu concerne, bien entendu, le passage stratégique que constitue le Canal de Suez permettant d'atteindre la Méditerranée pour livrer le pétrole en Europe et vers les États Unis. Les volumes sont estimés à plus de 2,1 Mb/j, une partie passant par le Canal, l'autre par le pipeline SudMed. Il convient de rappeler que ce passage peut être contourné via l'Afrique. Cela entrainerait néanmoins des délais et des coûts de transport plus élevés.
Peut-on anticiper les évolutions à venir ?
Tant qu'il n'y aura pas de visions claires sur l'issue des bouleversements en cours et sur les conséquences dans d'autres pays de la région, on peut supposer que le marché restera volatile et sous pression, c'est-à-dire autour des 100 $/b. De nouveaux incidents dans d'autres pays comme le moindre impact sur la production de pétrole provoqueraient des envolées significatives. IFP Energies nouvelles rappelle que, avant ces crises politiques, le marché anticipait déjà des tensions à venir liées au recul progressif des capacités disponibles de l'OPEP, estimées par l'AIE à un peu plus de 5 Mb/j. Le scénario de référence d'IFP Energies nouvelles pour 2011, établi avant la crise égyptienne, envisageait un équilibre entre 80 et 95 $/b sachant que la moyenne 2010 était de 80 $/b pour le Brent.
L'OPEP pourrait-elle réagir ?
L'OPEP n'a pas créé de pénurie en 2010, répondant à la hausse de la demande en ajustant sa production au-delà de ses quotas définis en décembre 2008. La hausse du prix de 2010 n'est donc pas liée à une politique restrictive de l'OPEP, ce qui limite d'ailleurs sa capacité d'agir.
Dans l'hypothèse d'un impact des évènements en cours sur la production, elle serait en mesure d'augmenter son offre grâce à ses capacités excédentaires. Néanmoins, cela réduirait ses marges de manœuvre, ce qui aurait probablement pour effet de maintenir la pression sur les prix.
Quel serait l'impact d'un prix durablement élevé pour la croissance économique ?
Pour les pays industrialisés en particulier, une hausse de 10 $/b représente 0,25 % du PIB environ. Si le prix se maintient durablement à 100 $/b, soit 20 $ de plus par rapport à 2010, l'impact serait de 0,5 % ce qui est particulièrement sensible alors que la reprise est encore fragile. Rappelons que le FMI table sur une croissance assez soutenue aux États-Unis de 3 %, mais de seulement 1,5 % environ pour les pays de l'Europe OCDE et pour le Japon. Il convient également de souligner l'effet sur le secteur des transports et sur le prix du gaz en Europe ou en Asie encore largement dépendant du prix du pétrole. A signaler enfin l'impact inflationniste avec le risque de hausse des taux d'intérêt que cela pourrait entrainer.
Est ce un facteur susceptible de peser à la baisse sur le prix du pétrole ?
Le marché devra effectivement trouver le juste équilibre entre risque géopolitique et effet croissance économique, ce qui est susceptible d'aboutir à des corrections violentes des cours dans les prochains mois. Une première phase de hausse, suivie d'un retournement marqué au cours de l'année ne peut être exclu. Le scénario d'équilibre d'IFP Energies nouvelles pour 2011 à moins de 100 $/b intégrait en partie ce risque pour l'économie d'un pétrole à des niveaux trop élevés. La plupart des membres de l'OPEP ont bien compris ces enjeux à terme avec un discours plutôt apaisant pour les marchés. Début 2008, ce même discours n'avait néanmoins pas empêché l'envolée des cours à près de 150 $/b.