L'augmentation du prix du pétrole conduit à s'interroger sur l'utilisation des huiles végétales comme substitut aux carburants fossiles. Face à cet intérêt renforcé notamment du monde agricole, l'ADEME fait le point sur l'état actuel des connaissances et les études en cours.
Biocarburants : de quoi parle-t-on ?
Les biocarburants sont des carburants d'origine agricole. Ils sont obtenus à partir de matières organiques végétales ou animales, appelées encore biomasse, et utilisés dans les moteurs. D'une part, les biocarburants sont des énergies renouvelables et contribuent à diminuer certains impacts globaux, comme l'effet de serre. D'autre part, ils représentent un élément de réponse à l'augmentation du coût des carburants et à la baisse des réserves pétrolières.
On différencie trois grandes classes de biocarburants selon la matière végétale ou animale utilisée :
* Les biocarburants issus des plantes oléagineuses (contenant de l'huile) comme le colza ou le tournesol : on distingue les huiles végétales aussi appelées « huiles brutes » obtenues par simple pressage des graines et les esters méthylique d'huile végétale (EMHV) appelés aussi Diester, issus de la transformation chimique de ces huiles.
* Les biocarburants obtenus à partir d'alcool produit avec des plantes contenant du sucre (betterave, canne à sucre) ou de l'amidon (blé par exemple) : le bioéthanol ou son dérivé l'ETBE (éther).
* Les biocarburants produits par fermentation sans oxygène de toute matière organique (déchets alimentaire, déchets végétaux, culture…) : ce biogaz (méthane) peut s'utiliser directement une fois purifié, comme le gaz naturel véhicule (GNV).
En France, seules deux utilisations ont été développées à ce jour, l'ETBE (éther) et les EMHV ou Diester. Aujourd'hui, ces biocarburants sont d'ores et déjà couramment utilisés dans tous les véhicules puisqu'ils sont incorporés à hauteur de 0,8 % respectivement dans l'essence et le gazole et ne nécessitent pas de modification des moteurs. Le premier ministre a indiqué que ce pourcentage devrait atteindre 5,75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % en 2015.
Huiles brutes : un biocarburant interdit à l'utilisation
L'huile brute n'est actuellement pas autorisée en droit français, pour être utilisée comme carburant. L'utilisation d'huile en mélange ou en substitution du gazole routier est totalement interdite et l'utilisateur s'expose à une amende et au paiement d'un arriéré d'un montant équivalent à la TIPP, calculé sur la consommation du véhicule et de son kilométrage.
Concernant l'usage pour des engins de chantiers (dont les tracteurs agricoles), il est aussi interdit, en lieu et place du fioul, mais une dérogation peut être demandée à la direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement (DRIRE). La situation légale et fiscale est toutefois susceptible d'évoluer. Le projet de loi d'orientation agricole qui va être soumis au Parlement prévoit la possibilité d'utiliser les huiles végétales brutes en autoconsommation comme carburant agricole dans les exploitations agricoles sur lesquelles elle aura été produite, à titre expérimental jusqu'au
31 décembre 2007. Sur 2 millions de tep consommées chaque année par les engins agricoles, environ
400 000 tep pourraient être substituées par des huiles brutes.
Huiles brutes : des avantages environnementaux et économiques …
Une étude de l'ADEME et du ministère de l'Industrie réalisée en 2002 a montré un réel avantage de l'huile végétale. En effet, la filière huile végétale (de la production à l'utilisation) produit 5 fois moins de gaz à effet de serre que la filière gazole. Des études conduites la même année sur des tracteurs d'âges et de technologies divers montraient des émissions des polluants (oxydes de carbone, hydrocarbures, oxydes d'azote) des tracteurs roulant avec de l'huile brute identiques à celle de tracteurs au gazole ou au Diester. Mais ces données doivent être actualisées avec des tracteurs de dernière génération. La production d'huile végétale peut s'avérer rentable pour l'agriculteur, si les coûts de carburant en fioul sont élevés (prix actuels) et si les tourteaux gras (partie solide restant après le pressage de la graine d'oléagineux : tournesol, colza,…) sont utilisés pour l'alimentation du bétail de l'exploitation. Cependant, les tourteaux ne peuvent être stockés trop longtemps (risque d'oxydation) et sont essentiellement destinés à l'alimentation des porcs.
… mais des précautions nécessaires pour préserver les moteurs
Sur les tracteurs modernes, des modifications relativement coûteuses doivent être apportées sur les dispositifs d'alimentation ainsi que, le plus souvent, sur la chambre de combustion, faute de quoi la fiabilité des moteurs n'est plus assurée. En Allemagne, où l'huile brute est autorisée, des incidents sont apparus sur des tracteurs récents, en particulier la casse de la pompe d'injection. En effet, avec un système à injection directe, équipant presque tous les tracteurs aujourd'hui, la température de combustion à l'intérieur de la chambre est toujours plus basse qu'avec les anciens moteurs à injection indirecte et ne permet pas la combustion complète de l'huile, provoquant alors la formation d'un dépôt de coke et des pannes. Il est donc nécessaire, d'une part, de modifier les têtes des pistons pour atteindre une température suffisante, ce qui induit des modifications assez lourdes et coûteuses, et, d'autre part, de prévoir des équipements annexes, en particulier une double alimentation gazole/huile brute. Par ailleurs, les gommes et impuretés (mucilages, impuretés naturelles solubles dans l'huile) contenues dans l'huile entraînent des problèmes d'obturation des filtres sur le moteur.
En ce qui concerne les véhicules particuliers, non seulement l'usage d'huile végétale comme carburant est strictement interdit mais il est aussi techniquement déconseillé, compte tenu des technologies utilisées dans les moteurs diesel de dernière génération (risques techniques et émissions de polluants non déterminées).
L' ADEME améliore les connaissances sur les huiles brutes
D'ici la fin de l'année, l'agence lancera avec la Fédération Nationale des Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole (FNCUMA) de nouveaux essais pour actualiser les données sur les émissions de polluants et le comportement des moteurs de tracteurs de dernière génération.